Mon travail auprès de personnes âgées
Lors de ma première année à l'IUT de Belfort-Montbéliard, je décide de faire un stage auprès d'un public bien spécifique : les personnes âgées.
C'est ainsi que je me retrouve, à l'EHPAD l'Air du Temps, à la Robertsau, Strasbourg. (EHPAD : établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes).
Au début, rien n'est simple. Une nouveauté entre dans ma vie, que je n'avais jamais vraiment côtoyé auparavant : la notion de mort. D'absence. De finalité. La première semaine est difficile, une résidente nous quitte. Je me retrouve face à la réalité concrète de la fin de vie. Cette notion est familière au personnel hospitalier, mais moi, animatrice stagiaire, j'ai du mal à relativiser. Petit à petit, j'apprends. J'observe. Je partage mon malaise avec ma tutrice de stage, Amina, ainsi qu'avec ma collègue et amie de l'IUT, Adeline.
Elle gère tout cela mieux que moi, comment se fait-il ?
Et le temps passe, les jours défilent, et je commence à comprendre. Tous ces gens, que ce soit le personnel où les résidents, ont appris à vivre avec l'idée du décès. Ce n'est pas une surprise, au final. On s'y attend.
J'entreprends des activités diverses, afin de m'occuper l'esprit. Je me dis "si cette personne doit nous quitter demain, j'espère que j'aurai participer à rendre ses derniers jours meilleurs."
Je jongle entre atelier d'écriture, jeux de société, et enfin... atelier théâtre. Là, c'est l'illumination : pourquoi ne pas tenter l'expérience auprès de ce type de public ? Après tout, ces personnes ont peut-être envie de communiquer, de partager, de se prêter aux joies de la scène.
Je prépare mon activité avec soin, et je la mets en place.
J'organise des jeux de mimes et de diction. Une vingtaine de résidents participent. Certains sont plus dégourdis, plus volontaires, d'autres restent sur la défensive. Ils ont peur de se dévoiler, ils n'ont pas l'habitude après tout. Qui est cette jeune fille qui nous demande de mimer des choses aussi stupides ? Pourquoi devrai-je imiter le pompier ou la coiffeuse ? A quoi ça rime ?
Mais, peu à peu, ils commencent à y prendre goût, en observant les autres qui s'amusent. Chacun participe. Même cette vieille dame, qui ne dit pas un mot de toute la journée, soudain, prend la parole. On l'entend à peine, on ne comprend pas tout de suite ce qu'elle nous dit.
" Trois petites truites cuites, trois petites truites crues."
L'exercice de diction !
Elle veut le faire, elle veut aussi participer. Hé, pourquoi vous vous amusez sans moi ?
Et elle participe. Elle nous suit.
J'ai utilisé le théâtre à une autre fin également : l'utilisation de son corps et de sa mémoire. Se remémorer les gestes du quotidien : se couper les ongles, se coiffer... Beaucoup de ces personnes ne font plus ces gestes elles-même et se font aider par le personnel de la structure. Je fus surprise de constater que surtout les femmes, appréciaient ce jeu de mime. Peut-être les ai-je ramener plusieurs années en arrière, lorsqu'elles se miraient dans le miroir de leur salle de bain ?
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Ce jour là, j'ai appris énormément. J'ai des images très claires de cet atelier théâtre, et je pense qu'il s'agit d'un domaine à développer auprès des personnes âgées. La communication de façon ludique. Le partage avec les autres. L'ouverture sur le monde grâce au théâtre.
Bien sûr, cela ne fonctionne pas pour tout, bien sûr qu'il ne s'agit pas d'une potion magique qui soulage tous les maux, mais je reste convaincue que le théâtre possède des bienfaits que nous ne devrions pas oublier, afin d'aider à communiquer ceux qui en ont le plus besoin.